
Collectif Nighshot
La Française des Jeux a un lien avec le Christ
C'est une sorte de fable. Nathalie attend que le jour se lève. Le visage et les mains recouvertes de terre, la nuit sous les yeux, elle est venue raconter son amour pour les courses de chevaux et quelques souvenirs : un tatouage trop enfoncé dans la chair, des soucis d'eau trouvés par hasard dans la forêt de Chantilly, des croix penchées dans des cases trop étroites, les hivers qui brûlent secrètement et la fois où il lui avait dit dans un éclat de joie "Accroche toi Nathalie ! Accroche toi!" C'est une sorte de fable, noire.
Dans cette pièce je souhaite donner la parole à ces gens qui parlent seuls. Je les observe souvent au petit matin dans les fameux PMU où je vais prendre la température du monde tous les jours. Le monde des parieurs, des jeux, des courses de chevaux. Ils ont leurs rituels, leurs codes. Les PMU sont les premiers établissements qui ouvrent. Des endroits qui se lèvent avec l'aube. J'aime cette communauté « D’Effondrés ». Ils me touchent. J'aime ces micros mondes où on vient gratter deux trois jeux en espérant un jour pouvoir sortir de sa condition de vie. Souvent ils déchantent vite, puis s'effondrent tout au fond du café sous la télévision d'où on peut voir des chevaux au galop recouverts de toutes les couleurs. Mais demain, ils recommenceront. On appelle ça l'espoir. J'appelle ça le courage. Je voulais rendre hommage pour commencer à un espace : Le PMU. Café populaire souvent jugé comme mal fréquenté. Je voulais rendre hommage à ces professionnels des jeux à gratter et des courses de chevaux. Avec leur crayon et leurs journaux spécialisés. Avec leurs calculs et leurs stratégies sur un avenir fragile. C'est dans ces endroits que j'ai observé ces « gens qui parlent seuls ». Ceux que personne n'écoute. Et puis il aussi cette femme Henriette, une habituée que je voyais tous les matins. Elle racontait toujours la même histoire avec force et conviction. Elle jouait, grattait et ressassait toujours les mêmes souvenirs, les mêmes images. Je sentais qu'elle était restée bloquée quelque-part mais où ?... Je voulais rendre hommage à Henriette donc qui pouvait passer d'une insulte sur un cheval au plat préféré que mangeait son cousin quand elle avait 15 ans en Normandie... Et puis pour finir c'est aussi l'histoire d'une femme, Nathalie, qui a étranglé son mari, un jockey professionnel, par amour. Il y a le mythe de Médée, les chevaux, les parieurs qui misent tout, les casaques, les couleurs sur la piste, le PMU réunis, les destins sensibles. Nathalie a toujours reconnu sa fragilité d'être humain. Henriette continue d’attendre inlassablement. J'ai voulu écrire cette pièce pour tenter de les comprendre. Dans n'importe quelle blessure on peut apercevoir la beauté. Cette pièce tente de la faire jaillir dans l'impossible, dans l’obscurité, dans l’inacceptable.
Grégory Pluym
Mise en scène : Quentin Bardou
Auteur : Gregory Pluym
Comédienne : Pauline Bertani
Lumière et son : Edouard Bonnet