
Collectif Mind The Gap
Tonnerre [dans un ciel sans nuage]
Genèse du projet
Au départ, notre idée était d'adapter Un mois à la campagne de Tourgueniev, du moins de le réécrire en suivant l'intrigue, cependant nous nous sommes vite rendus compte, lors de notre première semaine de résidence, que cela ne nous convenait pas totalement, qu’il nous manquait « quelque chose ». En effet, la pièce de Tourgueniev est dense et tout ce qu'elle met en place s’éprouve dans la longueur : l’ennui d’un groupe, le désir amoureux, la jalousie, l’hypocrisie des rapports… Nous avons le désir de nous éloigner de la fiction et de resserrer l’action de notre création autour de ses grands thèmes forts. Tonnerre dans un ciel sans nuage sera donc très librement inspiré d'Un mois à la campagne. Les personnages disparaissent, la fable disparaît. Seules les thématiques que nous avons dégagées restent: l’absence de communication, la difficulté de trouver sa place dans une micro société, et surtout la question de la sincérité envers l’autre et envers soi. Peut-on vraiment être soi avec les autres? Dès lors que nous sommes véritablement honnêtes, que se passe t-il? Comment les rapports humains survivent-ils, et quand tombent les masques, que reste-t-il? Et qui ?
Il s’agit donc de décaler la fable et de partir de nous, en tant qu’acteurs et êtres humains sur le plateau. Nous nous trouverons donc aux frontières du Jeu/Je, dans un espace où tout est à construire ensemble, face aux spectateurs témoins de la naissance d’une micro-société et de ses joies, de ses conflits, de ses mises à nu et peut-être de son échec. Dans toute société, les non-dits sont fondateurs, l’hypocrisie est reine. Prendre sur soi pour accepter l’Autre en ce qu’il a de différent dans ses opinions et dans ses choix, éviter certains conflits afin que l’existence soit plus douce, feindre parfois les bons sentiments, se maîtriser… en somme revêtir le masque des apparences pour ne pas se diviser et s’exclure de cette société. Construire son propre personnage et devenir sa propre image, ou du moins, s’en persuader. Pourtant, il y a toujours une goutte d’eau qui tombe dans le vase et le fait déborder. Finalement, nous pourrions appeler cela un coup de tonnerre dans un ciel sans nuage. Et quand l’implosion se produit, les masques se brisent et il devient difficile de les recoller. Cette expérience du « vivre ensemble », de ces moments de vide et de crises, nous essayerons de la traverser sur le plateau, à l’échelle d’une salle de théâtre ainsi devenue un microcosme, dans le temps réel et fugitif de la représentation.





Nous croyons également beaucoup en l’idée d’un théâtre pluridisciplinaire ancré dans son temps. Musique, danse, vidéo… Tant de disciplines qui peuvent contribuer sur scène à transmettre une vision du monde par la sensation. Et qui viennent aussi enrichir le propos et nourrir un texte. La scène doit être un espace de liberté, d’expérimentations, un lieu qui explore le champ des possibles et qui évolue perpétuellement avec son époque. Plus qu’une « pièce de théâtre », nous voudrions considérer Tonnerre Dans Un Ciel Sans Nuage comme un objet scénique où la théâtralité surgit d’une part dans la simplicité, et d’autre part dans la pluralité des langages artistiques. À nous quatre les influences sont multiples : de Forced Entertainment à l’Amicale de Production en passant par Les Chiens de Navarre ou même Roméo Castellucci et Thomas Ostermeier… Elles nous marquent ou nous ont marquées dans le rapport que nous avons à la société, à l’humain, au théâtre. Et s’il est un point où l’on se rencontre, c’est bien celui de la liberté. Liberté de créer, liberté de jouer, liberté du corps. Le point de départ de Tonnerre dans un ciel sans nuage est une invitation lancée aux spectateurs : passer une soirée tous ensemble. Boule à facettes, ambiance rétro, buffet à partager et activités. En substance, vivre un moment où la bonne humeur est au rendez-vous entre les murs du théâtre. Pourtant, il semblerait que même les choses les plus simples soient vouées à devenir compliquées dès lors que les désirs de chacun prennent le dessus sur la volonté collective initiale… Il s’agit également d’une volonté de mener une réflexion sur le théâtre lui-même et de se jouer de ses conventions : assumer les artifices scéniques, s’interroger sur l’ambiguïté entre acteur et personnage et instaurer une relation directe avec le spectateur.
Nous serons donc quatre. Quatre a la mise en scène, quatre au plateau. Nous avons le désir de faire évoluer l'espace et ce qu'il contiendra. Partir de rien ou presque rien, où se trouve juste quatre personnes/personnages/interprètes et peu à peu voir la scène se modifier, se développer, se remplir. Et au fur et à mesure que le plateau se remplit, que la superficialité et le matérialisme apparaissent, les êtres vivants se détournent les uns des autres jusqu'à se séparer.
Mind The Gap
Mise en scène et jeu │ Julia de Reyke, Thomas Cabel, Coline Pilet, Anthony Lozano